Union Is Strength

03.08.2022

L'agriculture grecque et la crise climatique

L'une des zones les plus vulnérables aux effets du changement climatique subit actuellement des perturbations et des mutations importantes.

Elena Lébely (FR) / Andriana Theochari (EL) - Traduit par Voxeurop

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Les principaux problèmes en Grèce sont l'émergence de nouvelles maladies et de nouvelles mutations
Les principaux problèmes en Grèce sont l'émergence de nouvelles maladies et de nouvelles mutations. | Angelos Tzortzinis / AFP

Sur l'île d'Eubée et à Athènes (Grèce)

Après les incendies de forêt dévastateurs de juillet 2021 sur l'île d'Eubée, la Grèce est confrontée à une importante migration interne, principalement des agriculteurs, en raison de la crise climatique. La Grèce, pays méditerranéen, est considérée comme l'une des zones les plus vulnérables aux effets du changement climatique.

Si l'agriculture est affectée par le changement climatique, elle y contribue également. En 2012, l'agriculture représentait 10% des émissions totales de gaz à effet de serre de l'UE. Le changement climatique a un impact sévère sur la production agricole, tant à court qu'à long terme. Quelles sont les conséquences dans un pays méditerranéen comme la Grèce, où l'agriculture est la principale industrie et où les industries connexes sont celles qui ont le plus contribué au produit intérieur brut (PIB)?

«La Grèce et la Méditerranée sont confrontées au déclin de l'agriculture sous l'impact du changement climatique, mais c'est un phénomène sur lequel nous pouvons agir», affirme Panagiotis Mylonas, entomologiste et directeur de recherche au département d'entomologie et de zoologie agricole de l'Institut phytopathologique Benaki.

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la Grèce ont considérablement diminué au cours de la dernière décennie, principalement en raison de la récession et du passage à des énergies plus propres. La Grèce, dont les émissions nettes de tous ses gaz à effet de serre ont augmenté jusqu'en 2007, s'est comportée de manière plus responsable sur le plan climatique ces dernières années.

En 2019, le pays a connu une réduction de près de 19% par rapport aux niveaux de 1990, ce qui reste largement en deçà de la moyenne de l'Union européenne. Très vulnérable au changement climatique, la Grèce a élaboré un modèle détaillé de son impact environnemental et a renforcé le cadre politique et institutionnel rendant possible cette adaptation.

Athènes, Grèce

L'Institut phytopathologique Benakeio, une initiative créée en 1929 par le bienfaiteur national Emmanouil Benakis, est situé sur un superbe terrain très proche du centre d'Athènes. Cet institut est l'organisme officiel chargé du contrôle et de l'évaluation des pesticides.

S'il participe à des programmes de recherche nationaux et européens, il soutient également des recherches indépendantes dans le domaine de la protection des plantes et des consommateurs, de la protection contre les pesticides, sur les méthodes alternatives de gestion et de traitement des parasites, mais aussi sur les maladies des plantes en général et les questions environnementales liées au changement climatique. Avec plus de 4.000 échantillons à analyser l'année dernière, cela montre à quel point la société grecque est consciente des questions environnementales.

Nous avons demandé à M. Mylonas si l'institut, qui se trouve au cœur d'Athènes, s'intéressait aux espaces verts de la ville.

«Dans une ville qui atteint des records de chaleur, le développement des espaces verts urbains est plus que nécessaire pour faire d'Athènes un lieu vivable. Et ce n'est pas tout: les plantes poussent dans un environnement urbain où le gaz, le ciment et l'urbanisation les rendent plus sensibles, car elles sont constamment en état de stress», a expliqué le Dr Mylonas.

L'agriculture grecque

Les agriculteurs, en tant que partie active de la société grecque, ont également compris la gravité des conséquences du changement climatique. «Je pense que certains l'admettent plus et d'autres moins, mais nous en avons tous pris conscience», explique le Dr Mylonas.

Les pratiques agricoles sont affectées par des phénomènes météorologiques extrêmes et des périodes prolongées de canicule. Les agriculteurs sont exposés aux intempéries et s'en trouvent affectés. «L'été dernier, nous avons eu une période de canicule extrême. Je pense qu'ils ont alors compris l'impact du changement climatique sur l'agriculture. Par ailleurs, le changement climatique facilite l'émergence de nouvelles maladies et de nouveaux problèmes, qui se développent dans de nouveaux environnements rendus propices à leur prolifération en raison de la hausse des températures. Il favorise aussi l'introduction de nouveaux nuisibles.»

Angelos Tzortzinis / AFP

Ainsi, il a été démontré que des espèces tropicales ont pu s'installer dans certaines régions de Grèce, parce que les températures ont augmenté. D'autres problèmes sont également apparus dans certaines régions du pays à cause du changement climatique et de l'augmentation des températures.

Nous avons demandé à l'institut comment les agriculteurs percevaient le changement climatique et quelles étaient les conséquences les plus visibles en Grèce. En résumé, ce sont surtout les dommages occasionnés aux récoltes et les changements dans les pratiques, qui doivent maintenant s'adapter à chaque nouvelle saison, spécialement après certains événements météorologiques extrêmes.

La principale question est de savoir si se tourner vers des cultures plus résilientes est la seule solution ou s'il est vraiment possible de perdre les habitudes de la culture méditerranéenne traditionnelle. «L'adaptation est nécessaire, mais elle ne peut se faire du jour au lendemain», explique le Dr Mylonas. «Nos cultures doivent être adaptées au fur et à mesure que leur besoin en eau n'est plus compatible, ce qui signifie aussi se tourner vers d'autres espèces qui peuvent s'épanouir dans ces conditions.»

«Il faut faire des recherches et des tests, poursuit-il, afin de favoriser un changement dans notre façon de cultiver et se tourner vers des méthodes agricoles plus écologiques, ce qui signifie que nous cultiverons autre chose. On doit éviter de cultiver le sol de manière intense. Mais tout cela est souvent induit en erreur par des personnes qui ne sont pas des agriculteurs et je pense, comme d'ailleurs beaucoup d'agriculteurs, que c'est grâce à des directives générales que nous pourrons faire face au problème. Mais les directives seront spécifiques à chaque secteur agricole.»

Travaux pratiques

L'étude des phénomènes liés au changement climatique en rapport avec l'agriculture et l'information des agriculteurs et de l'État, sont les premières étapes. «Les modèles montrent que la Grèce sera affectée même si je crois que nous sommes encore à un stade précoce. Bien sûr, c'est clairement une menace», affirme le Dr Mylonas. Les principaux problèmes en Grèce sont l'émergence de nouvelles maladies et de nouvelles mutations. En outre, leur développement saisonnier s'est étendu.

Toujours est-il que les besoins en eau, à mesure que les températures augmentent, font que la plante a du mal à absorber les nutriments du sol. Cela provoque également la panique des agriculteurs lors de fortes chaleurs, qui surchargent d'attentions les plantes, lesquelles deviennent alors très sensibles aux températures élevées et finissent par prendre des coups de soleil.

Le Dr Mylonas nous décrit l'innovation technologique que l'institut a créée dans le cadre d'un projet de l'un des instruments de financement de l'UE, pour le programme d'action pour l'environnement et le climat, appelé LIFE. Il s'agit de mesurer les émissions de gaz d'un champ, à partir de quoi on peut calculer l'énergie consommée, et par conséquent adapter les pratiques agricoles pour protéger l'environnement. C'est un outil disponible gratuitement sur le site de l'institut, et tout le monde peut l'utiliser. Les outils en libre accès de l'institut sont fondamentaux.

Les terres brûlées de l'île d'Eubée en pleine résurrection
Les terres brûlées de l'île d'Eubée en pleine résurrection. | Louisa Gouliamaki / AFP

Un autre projet, sur lequel l'institut travaille actuellement et qu'il lancera bientôt, est une plateforme sur laquelle l'agriculteur enregistre toutes ses actions. Un algorithme calcule automatiquement le coût financier et énergétique, ainsi que l'empreinte environnementale. Grâce à cet outil, l'agriculteur peut donc évaluer son action, à la fois en termes financiers mais aussi environnementaux, de sorte qu'il puisse adapter ses pratiques.

«Ce sont des projets qui répondent aux besoins de l'agriculteur moderne, mais qui, pour être réalisés à plus grande échelle, ont besoin du soutien de l'État grec. Il y a un manque de continuité dans ce type de projet ainsi qu'un manque d'information des agriculteurs par l'État», a commenté le professeur.

Le jardin grec dans la ville

Les Athéniens, citoyens de la capitale grecque, souffrent également de la crise climatique, notamment en raison des températures élevées et du manque d'espaces verts dans la ville. L'institut phytopathologique encourage et conseille les services environnementaux de l'État à adopter des pratiques plus résilientes afin d'accroître la verdure urbaine. En raison des températures élevées, les jardiniers des villes plantent des herbes comme le romarin, la lavande, l'origan...

Cette façon de planter est connue localement comme le jardin grec. Cette pratique est plus adaptée aux conditions climatiques modernes. Ces jardins offrent une saisonnalité du jardin qui est agréable pour le citoyen, car l'odeur des plantes aromatiques et l'observation du changement des couleurs au fil des saisons provoquent un sentiment de bien-être qui a aussi un impact social. Le jardin grec est une pratique qui peut être appliquée dans d'autres villes d'Europe.

«Nous recherchons des pionniers dans ce domaine, car ils ouvrent la voie et d'autres les suivront. Dans l'application d'autres techniques et d'autres concepts», conclut le Dr. Mylonas.

Union européenneCet article est réalisé dans le cadre du concours Union Is Strength, organisé par Slate.fr avec le soutien financier de l'Union européenne. L'article reflète le point de vue de son autrice et la Commission européenne ne peut être tenue responsable de son contenu ou usage.